Le monde change, de plus en plus vite.
Autrefois, les transformations opéraient sur le long terme, laissant à chaque génération le sentiment que, même au travers des crises et des catastrophes, l'essentiel était conservé. Aujourd'hui, chacun peut se dire que tout, dans le monde comme dans sa vie quotidienne, a subi une révolution au sens premier du mot : un "turn-over" complet. Et que ça va continuer...
Il est rare qu'on apprécie le changement pour lui-même. "Si ça change", se dit-on, "c'est que ça mène quelque part". Le terme fréquemment utilisé de "mutation" évoque la métamorphose, une transition entre deux états, un ancien et un nouveau, le premier contenant d'une certaine façon déjà le second en programme. C'est sur cette question que se penchent les contributeurs de ce numéro.
La nouveauté est-elle un fait objectif ? Ces "nouveaux mondes" que les nouvelles technologies et les transformations de l'économie et du politique nous dessinent comme horizon de notre futur sont-ils vraiment "nouveaux" ? Y a-t-il vraiment rupture entre la vision, souhaitée par les uns ou redoutée par les autres, utopique ou apocalyptique, qu'ils nous proposent, et un monde "ancien" que nous serions en train de voir disparaître ?
L'effet de nouveauté ne réside-t-il pas simplement dans notre difficulté à penser le changement social, à retrouver dans le présent des faits et des modes de pensée qui ont toujours été là par le passé ? De sorte que le sentiment de rupture ne serait dû qu'au fait qu'ils ne nous sont pas intelligibles, que nous refusons d'y reconnaître des processus présents dans le social de manière continue.
Sans doute, l'évolution technologique est une réalité, et certaines transformations sociales et sociétales qui lui sont associées sont déjà effectives. Mais on peut aussi y repérer des invariants de l'observation de l'homme et des sociétés humaines. Il n'y a donc pas lieu de se laisser submerger par une nouveauté qui ne serait telle qu'en raison de notre incapacité à l'inscrire dans l'histoire et à discerner l'avenir.
Pour cela, l'ambition de ce numéro est moins de décrire exhaustivement les mutations que nous traversons, que de fournir quelques matériaux et des outils pour les mieux penser.
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